Rabat joie
Mon père était un rabat-joie. L'avait il toujours été ? Sans doute plus jeune il ne l'était pas. S'il avait envie de se réjouir lui, alors tout le monde avait le droit. Il pouvait siffler, sortir son accordeon, raconter des blagues, on ne lui aurait surtout pas interdit. Mais si les autres étaient joyeux et que lui était en phase "pas rigolo du tout", il avait vite fait de les calmer et ça ne rigolait pas longtemps. Sans doute était il si malheureux pour ne pas pouvoir supporter de voir le bonheur des autres. C'est vrai que c'est un sacré exercice : se rendre compte que l'autre a accès au bonheur et que soi même on n'y arrive pas. Aujourd'hui, on veut du bonheur partout, il y a des conférences, des stages. Finalement, c'est si compliqué ? C'est peut être parce qu'on en veut trop, la quantité ne fait pas la qualité.
J'ai regardé ce film hier soir : Barbecue. Je l'ai beaucoup aimé. Une bande de copains avec des profils différents. On reconnait ses copains : le grincheux, le timide, le grande gueule, le fainéant, le bosseur, etc, etc. Quand soudain l'un se permet après un infarctus de vivre sa vie à fond, sans le régime prescrit, sans continuer à supporter comme avant ce qui l'insupportait, quand soudain il ose dire aux uns et autres ce qui ne lui plait pas, ça part un peu en c.... Et il y a coupure. Mais quelque temps après, il s'ennuie de ses amis qui l'entouraient depuis toujours. Malgré leurs défauts, il a envie de les revoir et il les revoit, ça semble simple.
Ce film est arrivé après samedi soir où nous recevions nos trois couples habituels. J'aime et j'aime pas. J'aime le côté convivial, j'ai préparé de bons petits plats (j'ai stressé pour ça), j'aime l'idée d'une bonne soirée, j'aime qu'on joue avant le repas. Mais je n'aime pas leurs défauts. Surtout pour un. Il lance des piques depuis toujours à mon mari, c'est pourtant son ami. C'est comme un jeu on dirait. Ou alors une partie de punching ball. Et puis ils sont bientôt tous à la retraite (sauf une sous quelques jours), bien sûr leurs retraites ne sont pas assez grosses (pourtant il y a pire je le sais), bien sûr ils ne pensent plus qu'aux vacances-voyages-apéros. Bien sur samedi soir ils ont passé leur temps à raconter leurs dernières vacances et leurs prochaines vacances. Bien sûr nous on s'est tu. Bien sur, on ne va pas leur reprocher de partir en vacances. Ils ont du temps, ils pourraient aussi s'investir dans des associations, apporter leur savoir, apporter de l'aide. Non. Rien de tout cela.
Bien sûr, je suis une rabat joie moi aussi.